Récit Grand Raid des Pyrénées 2009

Grand Raid des Pyrénées 2009, 150 km, 9300m D+, départ vendredi 28 aout 2009

C'est avec Didier Pommey que nous effectuons le long voyage vers les Pyrénées soit 750km de voiture. Arrivé à Vielle-Aure jeudi à 16h, nous retrouvons Philippe qui passe quelques jours de vacances en famille. Lui, est inscrit sur le 75km.
Après avoir récupéré nos dossards nous allons préparé nos 2 sacs d'affaire de rechange que nous confierons à l'organisation pour pouvoir les retrouver au km 63 et au km 92 dans les bases de vie.

Le gros avantage du GRP par rapport à l'UTMB et qu'ici nous partons le matin alors qu'à l'UTMB le départ est donné en soirée. Une seule nuit blanche au lieu de 2 sera nécessaire ici. J'ai prévu de boucler le parcours en 39h. Pour estimer le temps nécessaire, je me suis basé sur le fait que le kilométrage était un peu inférieur à l'UTMB (150 au lieu de 164), que le dénivelé était identique (9300m+), et que les chemins étaient plus techniques et difficiles. Ayant bouclé mon dernier UTMB en 34h40, je me suis laissé une bonne marge, d'autant plus que le balisage risque de provoquer quelques égarements (l'an dernier, seuls 40 coureurs ont put terminer suite à de nombreux débalisages).

Le départ est donné vendredi à 5h du matin. Nous partons dans le brouillard.

Col du Portet :
Une longue montée de 1200m de dénivelé nous attend et je pars prudemment. La pente se redresse régulièrement pour finir trés raide au col du Portet. Didier est derrière moi. Etant donné son niveau, je suis persuadé qu'il ne tardera pas à me rattraper.
30mn après le départ, je ressens une grosse douleur au mollet gauche. C'est une contracture qui se réveille. Genre coup de poignard à chaque pas, ça commence bien, elle va être sympa cette course...
J'effectue la montée principalement en marchant vite et quelques portions en courant.
Je débranche le cerveau pour oublier la douleur du mollet.
Après 2 heures d'ascencion, j'arrive au col du Portet, j'ai 1h d'avance sur mes prévisions. Ca me surprend car j'ai gravi la pente assez calmement.
J' entame la descente et la première féminine me dépasse. Elle ne sera pas la seule car je suis très prudent, donc assez lent dans les descentes. Je tiens à éviter de me blesser. J'ai eu trop d'entorses et maintenant je ne parviens plus
à descendre relâché. Ce n'est pas grave, car la course est encore longue et je sais qu'en montée je reprendrai pas mal de coureurs.

Le parcours est magnifique. Nous longeons plusieurs petits lacs très beau et très bleu. Des randonneurs ayant campés durant la nuit ont certainement été réveillés par la bande de coureurs, un peu surpris de voir autant de monde dans des endroits aussi sauvage.

Le chemin, qui n'en est pas toujours un, est parsemé de rochers qui rend la progression assez difficile. Je m'efforce de boire régulièrement.
Nous sommes dans des nuages qui nous détrempe. Même si il ne pleut pas réellement, l'humidité est importante. Une grande descente nous emmène au premier ravitaillement d'Artigues (km 30). J'aime pas les descentes !

Col du Sencours :
Et c'est reparti pour une belle grimpette jusqu'au col de Sencours.
Les bâtons sont vraiment utiles ici. Il est reconnu que l'utilisation des bâtons apporte 10% de puissance en montée. Mais pour obtenir ce gain, il faut bien appuyer avec les bras et le haut du corps.


Nous croisons quelques moutons bleus. Ici, les bergers peignent leurs moutons pour mieux les repérer. D'autres moutons n'ont plus de couleurs, il ne reste que les os. Certainement mangés par les ours, il ne subsiste que des squelettes, des mâchoires et des colonnes vertébrales. Ca fait froid dans le dos. Dans les airs, un vautour veille.
La montée est longue jusqu'au col de Sencours qui se situe au pied du Pic du Midi. J'y parviens à midi pile. Ca s'est du (swiss) timing !
Le soleil a fait son apparition. Nous sommes au dessus des nuages et ça fait du bien.
1h40 d'avance sur mon planning.
Ensuite, nous devons effectuer une succession de 4 montées, moins longues mais très raides.
Entre chaque montée, nous redescendons au bord de petits lacs d'altitude. C'est beau, sauvage et calme. Après le col d'Ouscouaou nous effectuons une longue descente vers la première base vie située à Villelongue 16km plus bas. Nous replongeons dans les nuages et l'humidité.

Rencontre du deuxième type :
Je commence à être un peu entamé (un peu beaucoup). Je double un coureur en souffrance qui me redouble quelques km plus loin.
Ce coureur, c'est Christophe, je peux vous le dire maintenant car c'est avec lui que je vais finir la course. C'est avec un grand soulagement que je parviens à Villelongue à 17h10. Je suis pointé en 131ème position.
Je téléphone à Lise qui m'apprend que Didier est 30mn derrière moi.
Je récupère mon sac mais décide de ne pas me changer car même si je suis trempé, étant donné la montée qui nous attend, le résultat sera identique d'ici quelques minutes. Après 40 mn de pose, je décide de repartir et retrouve Didier qui arrive au ravito. Je suis rassuré de le voir en bonne forme. Il me dit que pour l'instant tout va bien et qu'il gère.

L'ascension du Cabaliros :
Je repars d'un bon rythme à l'assaut de "la grosse difficulté" : la montée au sommet du Cabaliros pour 1850 m de dénivelé. Un panneau annonce le sommet dans 6h. Au début de la montée je double Christophe qui s'accroche à mon rythme. Nous effectuons la montée ensemble, sans un mot. Je trace le chemin en tête.
C'est avec soulagement que nous arrivons au Turon de Bene à 20h10. Un ravitaillement est organisé dans une petite cabane en bois de 15m2. Il y fait chaud, la soupe est bonne et l'ambiance chaleureuse. On a du mal a en repartir car dehors il fait froid et humide. Nous enfilons nos coupe-vent et repartons à l'assaut du Cabaliros. La nuit ne va pas tarder à tomber et la progression va être délicate car le brouillard rend difficile le repérage des balises. Heureusement que le balisage est de bonne qualité car sinon il serait très facile de se perdre ici. Nous parvenons enfin au sommet du Cabaliros et nous sommes contrôlés par 2 bénévoles emmitouflés dans des couvertures et protégés derrière un muret de pierre. Chapeau et bravo à ces 2 personnes car séjourner ici n'est pas un cadeau.
Les conditions météo sont mauvaises. Nous plongeons sans tarder dans la descente énorme vers Cauteret.
Cette descente est très technique, glissante et dangereuse. Beaucoup de trous, pierres, boue, combiné à l'obscurité de la nuit, nous contraignent à marcher ou trottiner. Lorsque nous rejoignons la forêt, le chemin un peu meilleur nous permet de courir jusqu'au ravito de Cauteret. Il est minuit pile. 5mn de pose s'impose.
Nous sommes (seulement) au km 91. Encore 60 km à avaler. Je me demande comment je vais finir. J'ai les jambes en miette. La douleur au mollet s'estompe parfois puis revient. Je m'y suis habitué.
Christophe stresse, il craint de ne pas finir dans les temps qu'il avait prévu. Il a parié avec un copain qu'il bouclerait en 39h et il a peur de ne pas y parvenir. Je le rassure en lui montrant ma feuille de route. J'avais également prévu de boucler en 39h et l'avance dont on dispose nous permet d'envisager de terminer dans les temps.
J'apprendrai plus tard que c'est ici à Cauteret que Didier a abandonné. La dernière descente lui a été fatale. Des chutes combinées à la fatigue ont eu raison de ce coureur hors norme (La Pomme). C'est dommage, j'aurais bien souhaité terminer la course avec lui comme on l'avait fait lors de l'étape longue de la Trans Aq.

Col de Riou :

Le col de Riou nous attend et c'est une montée assez roulante de 1000m de dénivelé. Nous l'attaquons avec Christophe. Je suis devant et marque le rythme. Nous montons sans échanger un mot, concentrés dans l'effort. La seule présence de l'autre suffit
pour apporter l'aide et la confiance nécessaire. De tout façon, il est inutile que je parle à Christophe, car il n'entendrait pas. Il écoute en permanence son walkman, les écouteurs dans les oreilles. Je ne comprend pas tellement pourquoi il a besoin d'écouter de la musique mais je respecte son choix.

Nous pensons à notre prochain objectif : la base vie de Luz-Saint-Sauveur mais la route est encore longue pour y parvenir.
Depuis le col de Riou jusqu'à Luz, c'est une grande descente de 1260m de dénivelé que nous allons devoir avaler.
Christophe est pris d'un mal étrange : il a des bouffées de chaleur et se met en débardeur alors qu'il fait très frais sous le vent et la bruine (4 à 5 degrés) et que moi j'ai froid dans mon coupe-vent. Son malaise finit par passer et il peut renfiler sa veste. Me voilà rassuré.
Les 3 derniers km sont courus sur la route. Cette portion de route est interminable. Nous traversons Luz avant d'arriver enfin au ravito à 5h27 du matin. Christophe souhaite dormir un peu. Je le réveille au bout de 10mn. Il croit avoir dormit 2h et a du mal à croire que c'est une micro-sieste qui lui a fait autant de bien.

Col de Barèges :

Nous repartons à 7h dans le jour naissant pour une montée de 1800m de dénivelé !
C'est l'avant dernière ascension qui va nous emmener au Col de Barèges.
Le début de la montée jusqu'à Tournaboup est assez roulant. Arrivé à 1800m d'altitude nous retrouvons le soleil. Ca fait un bien fou. Ras le bol des nuages et de l'humidité. Maintenant : soleil et chaleur.
A partir de Tournaboup le parcours est magnifique. Une succession de montées rocailleuses et de prairie le long d'un sentier en balcon. Nous parvenons au col de Barège à midi. Des bénévoles nous indiquent qu'il reste 3h pour parvenir à l'arrivée. 3h oui, mais pour des coureurs frais. Pour nous et notre état de fatigue nous envisageons plutôt 5h. Ca nous ferait un total de 36h, ce serait parfait et nous attaquons la descente ragaillardi par cette bonne nouvelle.
Nous parvenons au ravito du lac de L'Oule après avoir gambadé pendant 1h35 dans les rochers. Nous nous faisons dépasser par les premiers coureurs du 75km qui descendent comme des avions. Il y a une sacré différence de vitesse et de style entre eux et nous. Ils ont la gentillesse de nous encourager et nous les félicitons pour leur prestation.
La descente est difficile et interminable, mais magnifique.

Col du Portet :
Il ne nous reste plus qu'une seule montée, celle du col du Portet que nous avons franchi il y a une trentaine d'heures. Et j'ai beau y être déjà passé je ne reconnais pas grand chose. Le premier passage a été effectué dans les nuages de nuit, et maintenant il fait soleil. Ca change tout.
Une fois en haut du col à 14h56, ça sent l'écurie. Plus que 11km de descente et 1400m de dénivelé négatif ! En 2 h ça devrait être jouable.
On parvient péniblement à trottiner, parfois courir, parfois marcher. Les organismes sont très fatigués. Il faut se faire violence pour continuer d'avancer.
A Soulan, soit 5km de l'arrivée, je rencontre Eric Bonotte qui encourage les coureurs. Je suis surpris de le voir en "civile" mais il m'informe qu'il a terminé en 4ème position. Je le félicite pour cette fabuleuse prestation.
On parvient enfin à Vielle-Aure qui marque la fin de cette belle course. Ce n'est que dans les derniers kilomètres que Christophe débranche son walkman et nous pouvons alors discuter un peu. Il m'explique que la musique est nécessaire pour sa concentration, qu'il en a besoin pour s'isoler et passer les moments difficiles. Si en ultra, le mental a 50% d'importance, pour lui ça l'est d'avantage. Il a une volonté d'acier, sans doute liée à son passé de légionnaire.
Il porte d'ailleurs gravé sur un médaillon sa devise "Marche ou crève".

Nous franchissons la ligne d'arrivée en 36h pétantes, heureux et pleinement satisfait d'avoir boucler ce GRP 2009.

Je tenais à féliciter les organisateurs de la course pour la qualité du balisage et remercier les bénévoles pour leur dévouement et leur bonne humeur.

Commentaires

Florent Maire a dit…
Bravo Jean Luc
Ton récit donne envie d'aller découvrir ce coin des pyrénnées. Le parcours a l'air très beau, cassant et avec de bonnes descentes techniques. Tout ce que j'aime. Peut-être l'année prochaine pour moi.
En attendant, à bientôt sur les chemins franc-comtois

Florent
Anonyme a dit…
salut jean-luc super ton commentaire sur l'aventure ,j'aurai pas fait mieux j'en avait des frissons car j'avais l'impression de revivre cette course car tout les détails été la encore merci a toi ,j'ai mis ton site en favoris,dit-moi il y a pas de petite course sur ton site impressionant ,sportivement christophe .
francis a dit…
Bravo jean luc!
encore une de bouclée et de belle manière!
il faudrait que tu passes au vélo maintenant; tu es trop fort à pied...
superbes photos!çà donne envie mais...
je t' attends pour en parler à l' apéro!
JM Louvet a dit…
Bravo J Luc quel chroniqueur j'en ai encore mal aux mollets tellement on a l'impression d'avoir fait la course avec toi
à bient^t
JML

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